Visites domiciliaires sur de simples présomptions de fraude fiscale

par | Mai 5, 2023 | Contrôle fiscal, Opération exceptionnelle - Fiscalité des entreprises, Résolution des conflits : contentieux | 0 commentaires

Par deux arrêts du 15 février 2023 (Cass. com., 15 février 2023, n° 20-20.599 et Cass. com., 15 février 2023, n° 20-20.600), la Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme que l’administration fiscale peut engager des visites domiciliaires à l’encontre d’un contribuable sur de simples présomptions de fraude fiscale.

Les faits à l’origine du litige : un établissement en France non déclaré

L’administration fiscale soupçonnait une société belge d’exploiter un établissement stable en France et de se soustraire aux obligations fiscales et comptables ainsi qu’à l’impôt sur les sociétés.

Afin de rassembler les preuves de l’exercice de son activité en France, et donc de la soumission de la société à la taxation française, l’administration fiscale a demandé l’accord du juge des libertés et de la détention pour effectuer des visites domiciliaires, également appelées perquisitions fiscales, prévues à l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

Le 10 septembre 2019, un juge des libertés et de la détention (JLD) a autorisé l’administration fiscale à procéder à des visites domiciliaires et à des saisies dans les locaux susceptibles d’être occupés par la société belge et par toute autre entité du groupe, afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale de cette entreprise au regard de l’impôt sur les sociétés, de la taxe sur le chiffre d’affaires ainsi que des infractions d’achats ou ventes sans factures et d’omissions d’écritures comptables ou de passations d’écritures comptables inexactes ou fictives.

Les opérations de visites domiciliaires et de saisies se sont déroulées les 11 et 12 septembre 2019.

Une autorisation de visites domiciliaires contestée

La société belge et, par procédure séparée, les autres sociétés du groupe ont relevé appel de la décision du juge des libertés et de la détention autorisant l’administration fiscale à procéder aux visites domiciliaires et aux saisies dans leurs locaux.

Le 9 septembre 2020, le premier président de la cour d’appel de Paris a annulé l’ordonnance du JLD du 10 septembre 2019.

Pour infirmer l’ordonnance du JLD, il a mis en avant le fait que les moyens attribués à la société belge depuis 2009, à savoir : six à sept personnes à temps plein ou cinq à six salariés selon les périodes, ainsi que la présence d’une administratrice déléguée, apparaissaient suffisants pour que celle-ci effectue son activité de gestion de trésorerie du groupe en Belgique.

L’administration fiscale n’ayant pas démontré que la société belge n’avait pas les ressources nécessaires à la gestion de son activité en Belgique, il a donc ordonné la restitution des documents saisis aux sociétés.

L’administration fiscale s’est pourvue en cassation, notamment au motif que pour solliciter une autorisation de visites domiciliaires, elle n’avait pas à prouver l’existence d’une fraude fiscale. Elle devait simplement apporter des indices permettant de retenir des soupçons de manquements. Or, par sa décision, le premier président de la cour d’appel de Paris faisait peser sur elle une preuve complète.

Des perquisitions fiscales sur simple présomption d’établissement stable en France

Par deux arrêts du 15 février 2023, LVMH Finance Belgique, n° 20-20.599 et LVHM et autres n° 20-20.600, la Chambre commerciale de la Cour de cassation casse et annule l’ordonnance rendue le 9 septembre 2020 par le premier président de la cour d’appel de Paris.

Pour justifier sa décision, la Cour de cassation précise que l’administration fiscale n’est pas tenue d’apporter la preuve d’une fraude, mais seulement l’existence d’indices faisant soupçonner l’existence d’un manquement. Elle rappelle que l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales n’exige que « des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts ».

En l’espèce, pour obtenir l’autorisation de réaliser des visites domiciliaires, l’administration fiscale devait simplement s’appuyer sur des présomptions d’existence d’un établissement stable non déclaré en France et par conséquent d’un impôt éludé. Aussi, en demandant à l’administration fiscale d’apporter la preuve que la société belge ne pouvait pas, au regard de ses ressources présentes à l’étranger, exercer son activité de gestion de trésorerie en Belgique, la Cour de cassation considère que la cour d’appel de Paris a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comportait pas. Elle a ainsi violé l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

L’affaire est donc renvoyée devant la juridiction du premier président de la cour d’appel de Paris autrement composée.

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