Intégration fiscale : prise en compte des participations croisées entre filiales

par | Avr 19, 2023 | Fiscalité des entreprises, Opération Courante | 0 commentaires

Faut-il prendre en compte les participations croisées, ou réciproques, de deux filiales européennes pour apprécier le seuil de détention de 95 % auquel est subordonné le régime de l’intégration fiscale ?
Si l’administration fiscale et la Cour administrative d’appel de Versailles ont estimé que ces participations réciproques ne devaient pas être prises en considération, le Conseil d’État a censuré cette position dans sa décision du 1er mars 2023 n° 464552.

Le régime de l’intégration fiscale

Lorsque le régime d’intégration fiscale verticale est appliqué, seule la société mère est redevable de l’impôt sur les sociétés (IS) pour l’ensemble des résultats du groupe qu’elle forme avec ses filiales. L’intégration fiscale permet de compenser les pertes de certaines filiales sur les bénéfices des autres et de bénéficier d’un régime de faveur pour l’imposition des dividendes entre les sociétés membres du groupe intégré.
En effet, l’article 216 du code général des impôts (CGI) prévoit que la société mère peut déduire de son bénéfice net total, les produits nets des participations ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères perçus au cours d’un exercice, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges (QPFC) fixée à 5 % du produit total des participations.

Pour profiter de ce régime, le capital des filiales doit être détenu à 95 % au moins, directement ou indirectement, par la société mère, et ce, de manière continue pendant toute la durée de l’exercice (article 223 A du code général des impôts).
Dans le cas d’une détention indirecte, le pourcentage de détention est apprécié en multipliant entre eux les taux de détention successifs dans la chaîne de participation (article 46 quater-0 ZF annexe 3 du CGI).

Les faits à l’origine de la décision du Conseil d’Etat sur l’intégration fiscale

Une société mère française, tête d’un groupe fiscalement intégré, a perçu, au titre des exercices 2011 à 2015, des dividendes de deux filiales allemandes. Estimant que ses filiales allemandes auraient rempli les conditions pour être membres de l’intégration fiscale si elles avaient été résidentes fiscales en France, la société mère a demandé que la quote-part de frais et charges relative aux dividendes qu’elle a reçus de ses filiales soit neutralisée en application de la jurisprudence Steria de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, 2 septembre 2015, affaire C-386/14, Steria).

Pour rappel, dans l’arrêt Steria, la CJUE avait jugé que les dividendes versés à une société appartenant à un groupe fiscal intégré par des filiales européennes qui justifient qu’elles auraient rempli les conditions pour appartenir à ce groupe si elles avaient été établies en France, doivent bénéficier du même traitement que les dividendes internes au groupe.

L’administration fiscale, le tribunal administratif de Montreuil et la cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles, 29 mars 2022, n°20VE00047) ont considéré que la condition de détention de 95 % au moins du capital des filiales allemandes par la société mère n’était pas remplie, les participations croisées entre ses deux filiales n’étant pas prises en compte. Elles ne pouvaient dès lors pas être qualifiées de « sociétés intermédiaires » au sens de l’article 223 A du CGI et ne pouvaient bénéficier du régime fiscal avantageux.  

Les participations croisées des filiales étrangères dans un groupe intégré

Dans cette affaire, le problème soumis au Conseil d’État était de savoir s’il fallait prendre en considération les participations croisées, ou réciproques, entre les deux filiales allemandes. Dans sa décision du 1er mars 2023, le Conseil d’État censure l’arrêt de la cour administrative d’appel (CAA) qui avait refusé de tenir compte des participations croisées.

Le Conseil d’État juge qu’il résulte de la combinaison des dispositions de l’article 223 A du CGI, éclairées par les travaux préparatoires de l’article 68 de la loi du 30 décembre 1987 de finances pour 1988 dont l’article 223 A du CGI est issu, et de celles de l’article 46 quater-0 ZF de l’annexe III du CGI que, pour qu’un groupe soit considéré comme fiscalement intégré, il faut seulement vérifier que chacune des sociétés membres ou intermédiaires est bien détenue à 95 % au moins par la société tête de groupe, directement ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés de cet ensemble, y compris, le cas échéant, au travers de participations réciproques internes à cet ensemble.

Le Conseil d’État accepte donc que les participations réciproques entre les filiales du groupe soient prises en compte pour apprécier le seuil de détention de 95 % auquel est subordonné le régime d’imposition particulier des dividendes.
Il annule donc l’arrêt de la CAA de Versailles et renvoie l’affaire devant la même Cour.

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