Afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la France a mis en place un registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales, dont l’accès a été étendu et les sanctions renforcées pour améliorer son efficacité.
Mais, cette politique de transparence financière ne peut se développer sans poser certaines limites.
Le contenu du registre des bénéficiaires effectifs
Mis en place en 2017, le registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales regroupe de nombreuses informations (article R. 561-56 du Code monétaire et financier), parmi lesquelles :
- la dénomination, la forme juridique, l’adresse du siège et le numéro unique d’identification de la société,
- l’identité, la date et le lieu de naissance, la nationalité et l’adresse personnelle des personnes physiques,
- la nature, les modalités et l’étendue du contrôle exercé par les personnes physiques sur la société visée, et la date à laquelle elles sont devenues les bénéficiaires effectifs de la société. Pour être bénéficiaires effectifs, les personnes physiques doivent soit détenir directement ou indirectement plus de 25 % du capital social ou des droits de vote, soit exercer un pouvoir de contrôle sur la société.
L’accès au registre des bénéficiaires effectifs étendu et facilité
Initialement, la consultation du registre des bénéficiaires effectifs était limitée à la société ayant déposé la déclaration, aux autorités (autorités judiciaires, agents des douanes, administration fiscale, enquêteurs de l’Autorité des Marchés Financiers, services assujettis à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme) et à toute personne justifiant d’un intérêt légitime.
L’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, transposant la directive européenne 2018/843 du 30 mai 2018, a modifié l’article L. 561-46 du Code monétaire et financier et élargi son accès au grand public.
Certaines informations sont désormais accessibles gratuitement sur le site DATA INPI.
Toutefois, si les autorités judiciaires, les services de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, l’administration fiscale et les douanes ont accès à toutes les informations présentes dans le registre, le grand public ne peut consulter que certaines informations, telles que le nom, les prénoms, le mois et l’année de naissance, le pays de résidence, la nationalité des bénéficiaires effectifs et l’étendue de leurs intérêts effectifs dans la société concernée.
Une transparence financière à encadrer
Le développement de l’accès au registre des bénéficiaires effectifs au motif d’accroître la transparence financière, ne manque toutefois pas de poser quelques questions.
D’une part, les informations présentes dans le registre des bénéficiaires effectifs pourraient être utilisées pour d’autres raisons que la prévention du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. L’administration fiscale pourrait par exemple les utiliser dans le cadre de sa lutte contre la fraude fiscale.
D’autre part, si l’accès du public au registre des bénéficiaires effectifs présente certains intérêts comme un contrôle des informations par la société civile, une plus grande confiance du public dans les entreprises et les marchés financiers et une responsabilisation des acteurs économiques, les risques d’atteintes à la vie privée ne doivent pas être ignorés. Pour remédier à cette difficulté, la directive européenne 2018/843 du 30 mai 2018 préconisait de trouver un équilibre entre la transparence financière et les droits fondamentaux des bénéficiaires effectifs, notamment en limitant la publication d’informations personnelles à celles concernant le statut des bénéficiaires et le domaine d’activité économique dans lequel ils opèrent.