Lutte contre le blanchiment : un système perfectible

par | Avr 5, 2023

Dans son rapport sur l’évolution du dispositif français de lutte contre le blanchiment de capitaux entre 2012 et 2022, publié le 23 février 2023, la Cour des comptes fait un état des lieux du système anti-blanchiment mis en place en France.

Si, comme le Groupe d’action financière (GAFI) dans son dernier rapport d’évaluation de 2022, la Cour des comptes note d’importants progrès pour lutter contre le blanchiment, certaines failles persistent.

La lutte contre le blanchiment en France

Le système anti-blanchiment français repose sur les services de police, les juridictions et les autorités de contrôle et de sanction (AMF, ACPR, Tracfin, etc.), mais également sur l’assujettissement de certaines professions aux obligations de vigilance et de déclaration (articles 561-1 et suivants du code monétaire et financier), parmi lesquelles : des professions financières (banques, etc.) et des professions non financières comme les avocats.

Depuis 2010, ce dispositif est piloté par le Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (COLB) qui assure notamment la coordination entre les différents services de la lutte anti-blanchiment, établit une analyse nationale des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels la France est exposée et propose des améliorations (article D. 561-51 du Code monétaire et financier).

Une coordination internationale insuffisante

Pour lutter efficacement contre les transactions suspectes, une coordination des pays au niveau international est indispensable.

Pour cela, depuis 1989, le Groupe d’action financière (GAFI) est chargé d’examiner les techniques de blanchiment de capitaux et de présenter des recommandations pour améliorer la lutte contre le blanchiment.
Toutefois, certains États ne se conforment pas aux recommandations du GAFI, ce qui nuit à l’efficacité des mesures mises en œuvre par les autres pays.

De la même façon, au niveau de l’Union européenne, l’harmonisation des législations nationales demeure insuffisante. Même si un cadre juridique commun existe pour lutter contre le blanchiment depuis la directive 91/308/CEE du 10 juin 1991, il ne permet pas d’avoir une réglementation identique dans tous les États membres.
Ainsi, concernant les registres de bénéficiaires effectifs, les réglementations appliquées dans les États membres sont très variables. Alors que ce registre est opérationnel en France depuis 2017, certains États européens comme l’Italie n’en disposent toujours pas, ce qui rend difficile le contrôle des transactions.

Un engagement hétérogène des professions soumises aux obligations LCB-FT

En France, les professions assujetties aux obligations de vigilance et de déclaration sont plus nombreuses qu’ailleurs. Cet assujettissement large de professions financières et non financières visait à améliorer la détection des tentatives de blanchiment d’argent. Il n’a cependant pas atteint son objectif.

En effet, la Cour des comptes relève que toutes les professions n’ont pas le même niveau d’engagement. Alors que les professions financières participent efficacement à la lutte contre le blanchiment de capitaux, certaines professions non financières ne sont pas suffisamment structurées pour cette mission et ne disposent pas toujours d’une autorité de supervision.
Le nombre de déclarations de soupçon de certaines professions est ainsi bien inférieur à ce qui pouvait être attendu au regard des risques évalués dans leur secteur. C’est le cas notamment des commerçants de pierres et métaux précieux, des négociants d’œuvres d’art et d’antiquités et des agents sportifs.

Pour remédier à ces difficultés, la Cour des comptes recommande de définir un socle minimal de formation pour toutes les professions assujetties aux obligations de vigilance et de déclaration afin qu’elles puissent participer efficacement à la lutte contre le blanchiment.

Des failles au niveau du registre des bénéficiaires effectifs

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est facilitée par la transparence des flux financiers et de leurs bénéficiaires.

Pour assurer cette transparence financière, la France dispose de plusieurs fichiers et registres censés fournir des informations fiables et actualisées. C’est le cas du FICOBA, du registre des fiducies et des trusts et du registre des bénéficiaires effectifs.

Or, alors que le registre des bénéficiaires effectifs (RBE) est opérationnel depuis 2017, les greffiers des tribunaux de commerce qui gèrent ce registre estiment que sur les 4 774 907 d’entités déclarées, seulement 3 827 846 d’entre elles étaient à jour au 1er juin 2022.
En parallèle, un quart des sociétés soumises à l’obligation de déclaration au RBE n’y figurent toujours pas.
Les informations qui servent de base au contrôle, à la prévention et à la lutte contre le blanchiment sont donc loin d’être complètes et à jour.

Face à ces manquements, une seule condamnation pénale a été comptabilisée concernant une entité qui ne s’était pas déclarée au RBE. Le processus de sanction mis en place ne semble donc pas plus efficace.
Afin d’améliorer ce dispositif, la Cour des comptes relève qu’une réflexion est en cours sur la possibilité de procéder à des radiations d’office des entités refusant de se déclarer au RBE.

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