Face à l’inflation, à la crise énergétique et aux enjeux environnementaux, la tentation est grande de procéder à des baisses de TVA générales ou ciblées. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) rappelle cependant dans son rapport relatif à la TVA que ces taux réduits sont coûteux pour les finances publiques, peu efficaces économiquement et rarement évalués. Explications.
La TVA et les taux réduits en France
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt indirect sur la consommation collecté par les entreprises et facturé aux clients sur les biens et les services qu’ils achètent en France.
En 2021, la TVA était le troisième impôt générant le plus de recettes en France, avec un rendement de 186 milliards d’euros, soit 17 % des prélèvements obligatoires.
Toutefois, selon le CPO, le rendement de la TVA est menacé par deux phénomènes : le développement de la fraude fiscale, et la multiplication des taux réduits.
Afin d’éviter tout risque de concurrence fiscale entre États membres, les taux réduits de TVA sont harmonisés au niveau européen.
Jusqu’en 2022, ils étaient strictement encadrés. Sauf clause de gel pour les taux de TVA pratiqués avant 1992, la directive TVA de 2006 n’admettait qu’un taux plein d’au moins 15 % et deux taux réduits d’au moins 5 %.
La directive du 5 avril 2022 concernant les taux de TVA a ouvert de nouvelles possibilités d’adoption de taux réduits pour les États membres avec notamment de nouveaux biens et services éligibles à ces taux et la faculté pour les États de pratiquer un taux réduit inférieur à 5 % et un taux de zéro sur une liste de biens et services dits prioritaires.
Des taux réduits qui coûtent chers
Alors que la TVA a vocation à financer les services publics, les taux réduits représentent un manque à gagner de l’ordre de 47 milliards d’euros pour les finances publiques françaises.
Parmi les taux réduits, le taux de 5,5 % sur l’eau, les boissons non alcooliques et les produits d’alimentation humaine représente un coût de 20,1 milliards d’euros et le taux de 10 % pour les travaux des logements autres que de rénovation énergétique coûte 3,3 milliards d’euros aux finances publiques.
Ces taux diminuent les recettes liées à la TVA. En parallèle, ils entraînent des coûts supplémentaires avec la mise en place de contrôles par les services fiscaux pour vérifier la bonne application des différents taux par les entreprises.
Au sein des entreprises, la détermination du taux applicable pour certains services et produits n’étant pas toujours évidente, cette multitude de taux de TVA est également source de complexité, de perte de temps et donc d’argent.
Des taux réduits de TVA à l’efficacité limitée
Selon le CPO, les effets économiques sur les prix, l’emploi ou l’activité d’une baisse de TVA ne sont pas démontrés.
Pour relancer l’économie, il rappelle que suite à la crise sanitaire de 2020, plusieurs États, comme l’Allemagne, ont procédé à des baisses de TVA, sectorielles ou générales. Or, des études empiriques ont démontré les effets limités de ces mesures pour un coût élevé.
De la même façon, face au choc énergétique et à l’inflation, une baisse de TVA sur les énergies apparaît moins efficace que d’autres instruments comme le bouclier tarifaire ou le chèque énergie.
Le CPO estime donc qu’il faut éviter l’adoption de nouveaux taux réduits de TVA et privilégier d’autres outils pour poursuivre des objectifs économiques, environnementaux et de politique publique, tels que les transferts ciblés, les accises, le système de quotas d’émission ou les normes réglementaires.
Des taux réduits aux conséquences incertaines
Une fois mis en place, l’impact des taux réduits de TVA sur les secteurs concernés n’est pas analysé. Aucune évaluation économique détaillée n’existe pour les taux réduits de TVA à 5,5 %.
En outre, lorsque que des études existent et constatent l’inefficacité des taux réduits, aucune conséquence n’est tirée. Ainsi, une étude de l’INSEE de 2014 a estimé à seulement 20 % le taux de répercussion sur les prix de la baisse de TVA dans la restauration. De la même façon, le rapport de la Cour des comptes de 2016 a conclu que le taux de 10 % applicable aux travaux d’amélioration des logements hors rénovation énergétique n’était pas efficient. Pourtant, ces taux réduits restent applicables.
Dans une démarche de transparence et de performance, le CPO préconise donc de ne pas adopter de nouveaux taux réduits et de renforcer le suivi et l’évaluation des taux réduits de TVA existants, par le CPO ou une instance ad hoc.
En fonction des résultats obtenus à l’issue de ces analyses, les taux réduits inefficaces devraient être supprimés ou être relevés à un taux supérieur.